Philippe Mailhes est parfois peintre. Ses passages à l’acte de peindre sont rares et très prémédités. Ils sont sous-tendus par une constante pratique de l’esquisse, du croquis, de la maquette. Ils sont préparés par d’innombrables essais combinatoires réalisés à l’aide d’un logiciel de mise en page détourné de sa fonction. Ainsi, l’artiste peut-il manipuler librement des lignes dans un format, la mémoire artificielle lui permettant de se constituer une réserve virtuelle de compositions recevables. Admissibles par rapport aux canons de la composition classique (Philippe Mailhes a étudié par le dessin analytique des œuvres de Poussin conservées au Louvre), cohérentes dans la perspective d’une œuvre qui se développe en suites et séries, retenues pour leur pertinence dans le cadre d’un lieu d’exposition prévu, conservées aussi, éventuellement, pour les questions nouvelles et inattendues qu’elles posent. Le processus créatif de Philippe Mailhes est un protocole de travail rigoureux appuyé sur des règles fondamentales pérennes (le format 200 x 185 cm, les esquisses à l’échelle du 1/10e, le fond blanc et les lignes noires) et augmentées de préceptes ponctuels. Il ne s’agit pour autant pas d’une œuvre conceptuelle puisque, très pragmatiquement, chaque étape est une manière de faire voir. Si ses manifestations formelles permettent d’affilier l’œuvre de Philippe Mailhes au courant minimaliste, c’est bien parce que, parfois, le processus aboutit à la réalisation d’un grand tableau, afin de confronter au mieux l’idée à la perception du spectateur. La nouvelle série présentée actuellement à la galerie Frank Elbaz procède d’un précepte circonstanciel, à composer dans le format de la toile.
Les déplacements de l’artiste dans le plan de son nouveau domicile déterminent les tracés de compositions picturales, induisant la diagonale et la saturation comme nouvelles possibilités formelles.
Alexandre Bohn, directeur du Frac Poitou-Charentes