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« De la peinture »

« De la peinture »
Une lecture écho d’Henri le Vert.
Le petit cimetière qui entoure l’église, toujours crépie de blanc malgré son âge, et n’a jamais été agrandi a un terreau composé, au sens strict, des poussières d’ossements des générations passées. Il est impossible qu’il y ait, jusqu’à dix pieds de profondeur, le moindre grain qui n’ait fait sa migration à travers un organisme humain et contribué un jour à enrichir cette terre. Mais j’exagère, j’oublie les quatre planches de sapin qui sont enfouies chaque fois, issues des vieilles générations de géants des vertes montagnes alentour.J’oublie aussi la toile brute et honnête des suaires, dont le lin poussa dans ces champs, y fut filé et blanchi. Elle appartient donc aussi bien aux familles que ces planches de sapin et n’empêche pas que la terre de notre cimetière soit aussi fraîche et noire que n’importe quelle autre. Il y pousse l’herbe la plus verte, les roses et le jasmin prolifèrent en un fouillis et un foisonnement divins, si bien qu’on ne fleurit pas les nouvelles tombes, il faut les tailler dans la forêt de fleurs et seul le fossoyeur connaît précisément la limite où, dans ce chaos, commence le secteur qui doit être retourné.
Henri le Vert, Gottfried Keller, Editions ZOE, traduction Lionel Felchin